Tuesday, March 13, 2012
La greffe de rein «parfaite» est à portée de bistouri
Par Tristan Vey - le 12/03/2012 Une greffe de moelle osseuse préalable à la transplantation de reins a permis à plusieurs patients de s'affranchir du traitement immunosuppresseur à vie. Cela fait maintenant sept mois que Lindsay Porter vit avec un rein qui ne lui appartient pas sans avoir pris le moindre traitement anti-rejet. Cette Américaine de 47 ans a encore du mal à se percevoir comme le résultat d'une prouesse médicale. «Cela me semble tellement naturel», explique-t-elle au site du journal Nature . Avec sept autres patients, elle vient d'expérimenter une technique qui pourrait révolutionner les transplantations d'organes: son système immunitaire a été préparé à accepter le rein étranger par une greffe de la moelle osseuse du donneur. En 1953, le prix Nobel de médecine Rupert E. Bullingham montre que la greffe de moelle osseuse d'une souris A chez une souris B à la naissance permet à ces dernières d'accepter à vie les organes de A sans qu'ils se fassent attaquer comme des intrus indésirables par les cellules de B. Tout se passe comme si la greffe de cette substance, qui contient les lymphocytes T régulateurs, les cellules «gardiennes» du corps, permettait de faire cohabiter en parallèle deux systèmes de reconnaissance du soi. Le chemin pour étendre ces premières expériences à des cobayes adultes, puis à l'être humain, va toutefois se révéler semé d'embuches. «Il y a un phénomène de rejet inversé très violent qui se produit», explique Olivier Thaunat, expert en immunologie clinique et transplanattion rénale à l'hôpital Edouard Herriot de Lyon. «Ce sont les cellules de la moelle du donneur qui vont attaquer le système du receveur.» Ce mécanisme, dit GVHD, a longtemps semblé insurmontable, notamment pour des personnes qui ne sont pas de la même famille. Il faut attendre 2008 et les travaux de chirurgiens du Massachusetts General Hospital de Boston pour lever cet obstacle. Mais leur technique, complexe, ne permet de retenir les cellules «gardiennes» du donneur que pendant quelques semaines: on parle de «chimérisme transitoire». Les résultats de la nouvelle étude clinique, publiés dans Science Translational Medicine la semaine dernière, sont bien plus impressionnants. Non seulement aucun cas de GHVD n'a été relevé chez les huit patients de l'essai - qui n'avaient, la plupart du temps, aucun lien de parenté avec les donneurs - mais les receveurs présentent tous les signes d'un «chimérisme stable». Parmi eux, cinq ont ainsi toléré le rein qu'on leur a transplanté en stoppant leur traitement immunosuppresseur sur des durées allant de 4 à 18 mois. «Il faut attendre encore quelques années sans GHVD avant de crier victoire», prévient toutefois Edgardo Carossella. «La durée de vie moyenne d'un rein greffé est de 10 à 12 ans avec immunosuppresseurs. Tant qu'on ne pourra pas faire mieux sans, on ne changera pas de technique en routine», appuie Olivier Thaunat.
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